Pour te raconter, pour te dire est un projet de résidence photographique collaboratif entre le Carré Amelot et le Centre Intermondes de La Rochelle et la Villa Pérochon de Niort, sur les paysages au long de la Sèvre Niortaise jusqu’à L’Atlantique.

Mois de juin, fraicheur du matin. On est à l’ouest.
L’ouest des lumières prolongées jusqu’à la nuit, de la grande mer mouvante, des odeurs saumâtres, des visions larges.
Pour moi qui suis née en Méditerranée, la côte Atlantique est une surprise : les marées sont un phénomène inédit pour un regard habitué à une autre mer, enfermé par les terres et fixe dans ses niveaux.
Je fais marcher mes pieds et mes pensées, du long de la côte océanique jusqu’aux tunnels enveloppants et immobiles du marais, du bruit au silence, de l’azur au vert et vice-versa.
Je prends le temps d'aller à la rencontre des ces profils modelés par d’autres histoires et d’autres forces que celles que je connaissais. Le paysage s’approche de moi dans un mouvement qui lui est propre, il faut lui faire de l’espace, s’ouvrir à ce qu’il m’offre de lui-même, en me libérant des projections, des désirs, des mètres de comparaison.
Je vis le paysage comme un autre, en m’exposant délibérément à une probable absence de compréhension.
Je marche sans arrêt, je m’embrouille, je crois photographier des paysages et pourtant je vois l’homme partout.
Les bords de mer, les digues, les champs cultivés, les canaux, les arbres sur les rivages, tous ces paysages sont le miroir d’une présence humaine envahissante, de mains qui ont touché, plié et modelé la terre à leurs besoins.
Je regarde des vieilles cartes du marais, je ferme mes yeux en essayant d’imaginer la mer qui s’enfonçait jusqu’à 70 km plus loin dans les terres, je retourne constamment en face de l’océan, presque à la recherche de sa rage ou de son ennui face à nos caprices. Mais l’océan fait toujours le même grand bruit de vagues qui reste, à mes oreilles, incompréhensible.

Le fil de ma recherche personnelle et artistique se tisse autour de la question de l'altérité. J’habite la possibilité et le défi d’une rencontre avec un Autre le plus irréductible et distant de moi même : l’animal, le végétal, la pierre, le paysage.
L’Autre est-il envisageable seulement dans une comparaison avec moi, dans la similitude ou la différence ? Ou est-il possible de garder un écart – ce mot merveilleux utilisé par le philosophe François Jullien – qui ouvre à la distance fructueuse où la rencontre se fait sans assimilation, en laissant l’autre être autre exactement comme il est ?
À ce champ de rencontres à la fois possibles et manquées, de dialogues silencieux et d’attentes, j’ai consacré mon temps et mes projets artistiques, y compris celui ci.
Pendant les deux mois de résidence passés entre La Rochelle et Niort, entre l’Océan et le Marais Poitevin, j’ai produit une série de photographies argentiques, témoignages d’un temps contemplatif et lent, tissées avec le langage des notes et des photos instantanées du carnet de voyage, comme pour créer une sorte de restitution de la rencontre entre mon regard et ces terres.

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